Dossier Japon : Le point de vue de Hiroaki Misawa, basé à Tokyo, chez Aberdeen Asset Management
(Available in English) Hiroaki Misawa, gérant d’actif assistant chez Aberdeen Asset Management, basé à Tokyo, commente les moteurs de croissance de l’économie japonaise, confrontée aujourd’hui à une demande domestique proche de son potentiel.
• Anticipez-vous une baisse des taux supplémentaire ?
Je ne prévois pas de baisse supplémentaire des taux dans un avenir proche, à condition que peu de mouvements sérieux de devises ou de dégâts ne se produisent. Au demeurant, nous n’anticipions pas le passage à des taux négatifs si rapidement, dès la fin janvier. Cela dit, la diversification des méthodes d’intervention de la Bank of Japan (BOJ), en ne s’adonnant plus uniquement à de l’assouplissement quantitatif (Quantitative easing, QE) massif, est pertinente. Est-ce que cette stratégie permettra d’atteindre la cible affichée de 2 % d’inflation en 2017 ? Non, et d’ailleurs, personne n’y croit. Avec un potentiel de croissance du PIB compris entre seulement 0 et 0,5 %, comme c’est le cas à l’heure actuelle, ce résultat est impossible à réaliser. Toutefois, le fait que la BOJ continue de communiquer sur cet objectif de 2 % indique qu’elle va poursuivre sa politique monétaire expansionniste.
• Quelle est votre analyse de l’évolution de la consommation japonaise ?
La faiblesse de la consommation (en repli de 0,9 % au quatrième trimestre 2015 par rapport au trimestre précédent) ne constitue pas une surprise. Un affermissement de la demande ne peut venir que de la poursuite des réformes, même si, in fine, son potentiel de croissance n’est pas très élevé : La consommation des ménages, qui ont l’habitude de n’acheter que ce dont ils ont besoin, représente déjà 60 % du PIB du Japon. Un autre frein structurel à un accroissement de la demande globale du pays est le vieillissement démographique. Ces éléments expliquent d’ailleurs pourquoi je ne crois pas que la mise en œuvre du Trans-Pacific Partnership (TPP) contribuera à une relance significative de la demande.
Il est vrai cependant qu’une augmentation généralisée des salaires pourrait contribuer à un renforcement de l’activité. De nets progrès s’observent dans ce domaine, mais ils concernent surtout les grandes entreprises. Maintenant, il faudrait que la montée des rémunérations constatée dans ces sociétés se propage aux petites et moyennes entreprises (PME), qui participent à l’embauche de 90 % de la population active japonaise. Un petit soutien à la consommation vient aussi de la forte expansion du tourisme, directement corrélée à la dépréciation du yen. Pour autant, on ne saurait tabler sur cette tendance – qui pourrait bien ne correspondre qu’à un phénomène de court terme – pour assurer un appui durable à l’activité.
• L’application du nouveau code de gouvernance porte-t-elle ses fruits ?
Son instauration en juin 2015 produit déjà des effets positifs. Depuis, nous avons noté une augmentation du taux de distribution des dividendes. Nous pouvons aussi rencontrer et poser nos questions directement aux directions des groupes cotés, ce qui n’était pas le cas auparavant. Reste à voir si ces celles-ci prendront en compte nos messages. Quoi qu’il en soit, les pratiques de gouvernance actionnariale s’améliorent progressivement, sous la pression du gouvernement qui souhaite absolument attirer plus de capitaux étrangers. Il n’empêche, le marché des actions demeure volatil, influencé par l’humeur des investisseurs extérieurs qui s’interrogent quant à la solidité de la croissance mondiale, et se montrent parfois trop axés sur les fluctuations à court terme du yen. Mieux vaut considérer les effets à long terme de sa tendance longue à la dépréciation. Dès lors qu’elle permet de gagner des parts de marchés, la baisse de la devise assure de facto un meilleur retour sur investissement à l’investisseur de long terme. Aujourd’hui, il existe en outre de multiples sociétés japonaises encore faiblement valorisées, peu endettées et dotées de technologies d’avenir.
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