Hong Kong, les marchés se préoccupent peu de la réforme électorale
Les revendications et les manifestations des Hongkongais – plus d’un demi-million de participants le premier juillet, date d’anniversaire de la rétrocession à la Chine en 1997 – en attente d’une réforme électorale introduisant un suffrage universel direct dès la prochaine élection de leur chef de l’exécutif ( « chief executive») en 2017, perturbent-elles la vie des affaires ?
Un clan ultra pessimiste…
A en croire certains services d’études économiques, le risque est réel. « Des chocs inattendus », comme le projet d’Occupy Central with Love and Peace » (OCLP) – de bloquer Central (le quartier d’affaires de Hong Kong) en cas de soutien par le gouvernement d’un mode d’élection jugé non conforme aux standards internationaux de démocratie – pourraient, selon la recherche asiatique de Barclays (le 8 juillet 2014), « déclencher une récession immobilière ». En cas de heurt, « une solide reprise » de ce marché « vulnérable, aux prix trop éloignés de leurs fondamentaux, pourrait prendre du temps ».
La dépression « pourrait ressembler à celle de 1998 », à la suite de la crise asiatique, prédit la banque. Cette analyse ne fait pas l’unanimité parmi les spécialistes de l’immobilier. Plusieurs d’entre eux ont au contraire rehaussé leurs prévisions de prix pour 2014, et cela même si ces derniers ont déjà atteint un niveau record. Il n’y a aucune preuve que les incertitudes politiques liées à OCLP affectent le sentiment du marché immobilier, observe Jones Lang LaSalle.
Autre grande banque à délivrer un message pessimiste, HSBC a réduit d’un cran sa notation des actions cotées à Hong Kong (de « neutre » à « sous-pondérer »), arguant qu’une « gigantesque campagne dans le centre financier d’Asie pourrait aigrir les relations avec le continent chinois et endommager l’économie » de la Région administrative spéciale. Un message que l’acteur financier a été contraint d’atténuer à la suite de nombreuses critiques publiées immédiatement sur internet.
… Oublieux de l’attrait de Hong Kong
En cas de fortes tensions avec les autorités continentales, « les Chinois aisés pourraient être tentés de préférer investir à Singapour ou Dubaï, plutôt qu’à Hong Kong, » remarque David Gaud, gérant d’actions asiatiques d’Edmond De Rothschild Asset Management.
« Les Chinois du continent (« Mainland »), notamment les touristes, ont l’habitude de ne pas être très appréciés à l’extérieur, partout dans le monde. Les facteurs qui influencent le plus leurs décisions d’achats sont le prix et la nouveauté des produits, qu’ils soient de consommation ou financiers. Le service passe au second plan, » temporise Bei Xu, économiste de Natixis. Le ralentissement actuel du taux de croissance des dépenses des Chinois « Mainland » à Hong Kong s’expliquerait surtout par la chasse à la corruption qui continue d’être menée par Pékin.
Intérêts communs
La situation politique est certes tendue, mais elle n’est pas tombée dans une impasse. Le dialogue entre les partis d’opposition parlementaire a Hong Kong et le pouvoir central Chinois n’est pas rompu. « Ils se parlent régulièrement, » observe David Gaud.
Et pour cause, une rupture ne servirait les intérêts d’aucun des camps. « Si les autorités centrales menaçaient brutalement Hong Kong, cela compromettrait les relations avec Taïwan, dont la Chine souhaite se rapprocher, » analyse John Greenwood, chef économiste d’Invesco et l’un des architectes du système monétaire actuel hongkongais. La Chine aurait beaucoup à perdre du déclin de cette plate-forme financière dynamique, qui lui offre « un accès indispensable aux financements internationaux, grâce à la libre circulation des capitaux, de l’information et à son « rule of law » (Etat de droit) ». Sans oublier le rôle fondamental qu’Hong Kong est amené à jouer dans la promotion du marché du yuan à l’extérieur.
De même, une coupure totale avec la Chine pénaliserait le développement de Hong Kong, de plus en plus dépendant de l’économie continentale, son premier partenaire commercial, « très présent dans les trois piliers de son économie, le commerce, la finance et l’immobilier, » rappelle Bei Xu.
La vie des affaires continue
S’il existe un risque de perte de libéralisation à Hong Kong, « il est déjà largement, et probablement excessivement, pris en compte par le marché! Les ratio cours sur bénéfices (PE) sont à des plus bas historiques tant à Hong Kong qu’à Shanghai…» relève David Gaud.
Deuxième observation, les manifestations du premier juillet et la perspective d’autres à venir n’ont guère provoqué de panique boursière. En un mois (au 22/07/14), l’indice Hong Kong Hang Seng a progressé de 4,29 %, soutenu par les meilleurs chiffres de croissance qu’attendu en Chine au premier semestre 2014…
Comme l’explique Terence Chong Tai-leung, professeur d’économie à la « Chinese University » au « South China Morning Post », « Occupy Central » tout seul, sans un changement des taux d’intérêt ou de la politique du gouvernement, ne peut pas constituer une menace significative pour le marché. »
Les investisseurs ne sont pas les seuls à garder leur sang froid. Les entreprises également. L’étude du sentiment des affaires pour le troisième trimestre 2014, réalisée par le Census and Statistics Department (C&SD) de Hong Kong (publiée le 18/07/14), traduit l’anticipation d’une meilleure conjoncture, en particulier dans les secteurs du financement, de l’assurance, de l’information et de la communication.
(Publié sur www.lefevrefinance.fr ; Sylvain Lefevre Finance)