Dossier spécial « fintech » : Hong Kong, port d’accueil et d’attache pour les technologies de la finance
Les esprits entrepreneurs du monde entier avaient déjà repéré Hong Kong comme terre privilégiée pour s’adonner à l’art du commerce et au développement de leurs affaires au cœur de l’Asie, là où l’Occident a l’habitude de rencontrer la Chine continentale. Depuis quelques années, ils apprécient aussi son ouverture à l’innovation, combinée à un sens de l’efficacité rarement inégalé. C’est donc tout naturellement que certains pionniers des technologies de la finance ( fintech ) sont venus en éclaireur, afin d’explorer le potentiel de cette place financière aussi chinoise que internationale, en toute logique promise à un bel avenir dans la modernisation des produits et des services financiers.
Comme les premiers témoignages se sont révélés encourageants (Lire l’entretien avec Philippe El-Asmar, associé fondateur d’Amareos ), de plus en plus de talents jettent l’ancre au Port au parfum pour y présenter leur créativité et lui trouver un débouché.
Cerise sur le gâteau, les autorités de Hong Kong se sont invitées également dans la partie. A cet égard, leur objectif est affiché clairement, faire des fintech un domaine d’excellence de la Région Administrative Spéciale de Hong Kong (HKSAR). Et elles commencent à y mettre les moyens, ainsi que le reflète l’effort budgétaire qui lui est consacré pour 2016. (Lire l’entretien avec Charles Ng, Associate Director-General de InvestHK (Available in English) et l’encadré ci-dessous)
Au delà de la maturation
Selon le rapport récent du tout jeune « Groupe Directeur » (« Steering Group ») dédié aux technologies de la finance (établi par le gouvernement en avril 2015), afin de conseiller le gouvernement sur le développement et la promotion de Hong Kong en qualité de « Fintech hub », 48 des 100 plus grandes sociétés des fintech au monde seraient déjà présentes et actives au Port au parfum (en complément de l’écosystème local et des institutions financières internationales et de Chine continentale). Le nombre des startups spécialisées dans les fintech (enregistrées dans les espaces de travail en commun, les incubateurs et accélérateurs), quant à lui, aurait progressé de 16 % à la mi 2015 par rapport à fin 2014. Considérant que « l’écologie des fintech locales est en train de mûrir, » le « Groupe Directeur » estime qu’un soutien pertinent du gouvernement peut aider le secteur à franchir l’étape supérieure. Celui-ci passera par l’activation de cinq leviers, la promotion, la facilitation ou la mise en équation des ressources locales aux besoins des entreprises (en infrastructures par exemple), le recrutement et la formation des talents, le financement et la réglementation.
Les régulateurs aux aguets
Ce volet sera sans doute l’un des plus sensibles et complexes à traiter. Comme le relève le rapport du « Steering Group », certaines activités des fintech vont transformer radicalement le paysage de certains marchés traditionnels. Ces mutations soulèveront inévitablement de nouvelles questions, susceptibles de remettre en cause le cadre réglementaire actuel. D’abord parce que la diffusion de certains des nouveaux produits à l’étude auront des conséquences de haute portée pour la protection des investisseurs, notamment dans les prêts « P2P » (pair à pair) ou dans « l’equity crowdfunding » (financement participatif). Il s’agit d’un élément que le « gouvernement et les régulateurs devront considérer attentivement, » avertit le « Groupe Directeur », qui a passé au crible les pratiques anglo-saxonne, australienne et singapourienne en la matière. Tout en garantissant un cadre d’exercice rassurant, les autorités réglementaires devront également éviter d’ériger des barrières à l’entrée trop contraignantes, au risque de décourager l’installation des entreprises innovantes à fort potentiel.
En attendant, la Securities and Futures Commission (SFC) a créé au début du mois de mars un « Fintech Contact Point » (http://www.sfc.hk/web/EN/sfc-fintech-contact-point/) avec la mission de faciliter sa communication avec les acteurs impliqués dans le développement et la mise en œuvre des technologies de la finance à Hong Kong. Afin d’appuyer cette démarche, le régulateur a fondé simultanément un groupe de conseil « Fintech Advisory Group » (http://www.sfc.hk/web/EN/sfc-fintech-contact-point/fintech-advisory-committee.html). Il réunit à la fois des personnalités de ses services mais aussi du secteur privé et des universités.
Également impliquée dans ce projet, la Hong Kong Monetary Authority (HKMA) se penche en outre sur la protection du consommateur. Dans cette optique, l’autorité travaille avec le Hong Kong Applied Science and Technology Institute, le Hong Kong Institute of Bankers et la Hong Kong Association of Banks, afin de mettre en place un programme de cybersécurité. Celui-ci comprend l’établissement d’une plate-forme d’échanges d’informations, d’un programme d’évaluation des risques et d’une certification professionnelle.
Le téléphone hongkongais
L’ensemble de ces acteurs, qu’ils soient publics ou privés, auront de nombreuses occasions de se rencontrer en dehors de ces cadres formels, avec l’éclosion des multiples réseaux et communautés dédiés aux fintech. Nest.vc (incubateur sponsorisé par Infiniti, AIA et DBS), par exemple, vient tout juste de lancer le club « Metta », destiné à une vie trépidante au sein de la « California Tower » de Lan Kwai Fong. Elle sera sans cesse enrichie de divers événements, de conférences, afin de renforcer les échanges entre les entrepreneurs et les investisseurs de la région.
La communauté française non plus n’est pas en reste, épaulée par un comité ad hoc au sein de la Chambre de Commerce française (http://www.fccihk.com/committees/banking-finance-fintech) et par la toute nouvelle « French Tech Hong Kong » (http://www.lazuli-international.com/rencontre-avec-eric-berti-consul-general-de-france-a-hong-kong-et-macao/). « Cette initiative est ouverte à toute la communauté française des technologies à Hong Kong, tout en renforçant les liens avec celle de Shenzhen, une plate-forme technologique majeure en Chine continentale. Pour ce faire, des rendez-vous transfrontaliers seront organisés, » ajoute Matthieu Bodin, co initiateur du projet « La French Tech Hong Kong » et « community & fundraising manager » de W Hub. L’aventure des fintech a déjà démarré mais elle ne fait que commencer.
Mesures budgétaires prévues pour 2016 par le gouvernement de Hong Kong, dédiées aux fintech et aux petites et moyennes entreprises :
Dépenses supplémentaires et aides fiscales
• Agrandissement de Science Park (de 70 000 mètres carrés), pour un coût estimé à 4,4 milliards de HK dollars.
• 3 000 mètres carrés au sein de « Cyberport’s Smart-Space » attribués aux fintech, afin de mener des programmes d’incubation de 150 entreprises en démarrage au cours des cinq années à venir.
• 200 millions de HK dollars supplémentaires pour Cyberport, afin d’investir dans ses startups. Support financier du Cyberport Macro Fund.
• Support financier provenant de l’InnovationTechnology Fund (ITF).
• Support financier provenant de l’Innovation and Technology Venture Fund – 2 milliards de HK dollars supplémentaires.
• Système du « Cash Rebate Scheme » : Remise en cash allant jusqu’à 40 % (contre 30 % en 2015) des dépenses destinées à un projet de R&D.
• Réduction des taxes sur les profits 2015-2016 de 75 %, dans la limite d’un plafond de 20 000 HK dollars.
• Abandon de la commission d’enregistrement des entreprises pour 2016-17.
• Lancement d’un « Pilot Technology Voucher Programme », sous la houlette de l’InnovationTechnology Fund (ITF), afin de subventionner les SME (petites et moyennes entreprises) utilisant la technologie.
Il est intéressant de noter que le surplus budgétaire de 2016-17 de Hong Kong est prévu pour s’établir à 11,4 milliards de HK dollars, à comparer à 30,5 milliards de HK dollars pour 2015-16, avec des dépenses publiques passant de 19,2 % du PIB à 21,2 % cette année.
Une grande partie de cet effort, inhabituel de la part de Hong Kong, s’adresse au soutien des entreprises innovantes. La volonté d’encourager leur expansion n’est pas qu’un élément de langage.
Dossier spécial « fintech », lire aussi :
• L’entretien avec Charles Ng, Associate Director-General de InvestHK
• « Supercharger », le témoignage de Philippe El-Asmar, associé fondateur d’Amareos