Refonte fiscale de la « VAT » chinoise, le diable dans les détails
Dernière ligne droite. A partir du premier mai, la taxe sur la valeur ajoutée (« Value Added Tax », VAT) remplacera définitivement la « Business Tax » (BT) et dans toute la Chine continentale. Ce changement mobilise fortement les fiscalistes et les avocats d’affaires car les secteurs d’activité en ligne de mire sont des piliers de l’économie chinoise. Il s’agit des services à la consommation et financiers, de l’immobilier et de la construction. La transition en cours concernerait 10 millions de contribuables, correspondant à une BT globale annuelle de 2 000 milliards de yuan. Le précédent régime de VAT, datant de 1994, s’appliquait sur les ventes de biens et les services de traitement et de réparation, en coexistant avec la BT, qui concernait les transactions des autres services, les immobilisations incorporelles et l’immobilier. La caractéristique de la BT était de s’appliquer sur les « revenus bruts sans crédit », autrement dit, sur le chiffre d’affaires déclenché par chaque transaction. Bien que, dans certains cas, son taux paraisse faible au premier coup d’œil (généralement entre 3 % et 5 %, mais pouvant aller jusqu’à 20 %), son poids, en montant, pouvait peser rapidement. Certaines entreprises se retrouvaient en outre sujettes à « double taxation » : Dans l’hôtellerie par exemple, les revenus de la restauration et de logements des hôtels étaient soumis à la BT, tandis que les ventes de marchandises étaient soumises à la VAT.
Diversité de traitements
La finalisation de la réforme actuelle devrait, selon les autorités, réduire le fardeau fiscal global au niveau national de 500 milliards de yuan (77 milliards de dollars) en 2016. Selon le vice-ministre des Finances chinois, Shi Yaobin, « cette réforme est un ajustement important, qui va permettre à la VAT de jouer son rôle de neutralisation, afin de de promouvoir le développement juste de tous les secteurs. » Cela dit, tous ne seront pas traités de la même façon. Tandis qu’une VAT de 6 % sera appliquée dans la finance et les services à la consommation, une VAT de 11 % sera prélevée dans la construction et l’immobilier. Sans compter de multiples aménagements, en particulier destinés aux petits contribuables bénéficiant, dans certaines conditions, de taux de recouvrement spéciaux (de 3 % ou de 5 %). Pour s’y reconnaître, il est vivement recommandé de lire la Circulaire 36 (Caishui [2016] No. 36 (Circular 36)) diffusée à ce propos le 23 mars 2016 par le Ministry of Finance (MOF) et la State Administration of Taxation (SAT). La révision des taux de taxation et leur pondération ne sont guère anodines. Elles représentent un levier évident des autorités pour provoquer la modification de comportements de ventes ou de consommations.
Le commerce en ligne transfrontalier dans le collimateur
Le secteur du commerce en ligne transfrontalier pourrait en constituer une première illustration. Selon les nouvelles règles fiscales introduites avec la réforme de la VAT, la distribution de biens par internet ne sera plus traitée comme celle d’articles personnels postaux, mais comme celle de biens importés. Dorénavant, elle supportera des droits de douane, une taxe sur la valeur ajoutée à l’import ainsi qu’une taxe sur la consommation. Pour autant, ce changement n’effacera pas totalement les avantages du commerce électronique pour les biens importés les moins onéreux. Les frais de douane seront exonérés dès lors que chaque achat en ligne sera inférieur à 2 000 yuan, et, que le volume annuel de transactions par individus n’excédera pas 20 000 yuan. Les autorités espèrent que ce mécanisme encouragera les producteurs locaux, ainsi mis en compétition avec des importateurs moins chers, à améliorer leur qualité et leurs prix. Pour l’heure, il y aurait plus de 5 000 entreprises de commerce électronique transfrontalier en Chine, selon le Ministry of Commerce. Celui-ci estime que leurs activités commerciales devraient atteindre 6 500 milliards de yuan en 2016, et croître de 30 % par an dans les années à venir. Il leur reste donc encore de beaux jours devant elles.
Un soutien éventuel de l’immobilier
Un autre effet de la réforme de la VAT pourrait être de provoquer un rebond des acquisitions en immobilier commercial, de la part d’entreprises souhaitant diminuer leur facture fiscale. Suivant les nouvelles règles d’imposition, les entreprises acquérant des immeubles de bureau pourront réduire leurs coûts grâce à une déductibilité de VAT. Ce mouvement pourrait éventuellement participer au gommage espéré des surcapacités toujours prégnantes dans le secteur : A la fin de 2015, les espaces de bureaux et les immeubles commerciaux à vendre en Chine continentale se seraient encore accrus de 25 % annuellement. Les acheteurs individuels de résidentiel également sont concernés par le remplacement de la BT par la VAT. Ils en seront cependant exemptés, s’ils vendent leur bien plus de deux ans après son achat (à partir du premier mai) et si leur résidence se situe en dehors des quatre plus grandes agglomérations du pays. D’après certains observateurs, cette révision de fiscalité ne devrait pas véritablement modifier le comportement des résidents, mais plutôt freiner l’entrain des spéculateurs. En tous les cas, la réforme de la VAT suscite beaucoup d’interrogations et de spéculations quant à ses futurs effets. Sans doute, faut-il lui laisser le temps de s’installer plus durablement dans le paysage chinois, avant d’en observer les implications structurelles.