Actions chinoises, un souffle d’ouverture
Comment la Chine peut-elle laisser indifférents les gestionnaires d’actifs, et en particulier ceux en quêtes de placements à rendements significatifs, où le risque est rémunéré ?
Depuis juillet 2014, la valorisation de la plupart des indices boursiers chinois n’a de cesse de croître. Le Hang Seng Index (de Hong Kong) s’est adjugé 15,7 % en un an (au 16 mars) et 2 % depuis janvier. Le Shanghai Stock Exchange Composite Index a flambé de près de 78 % en un an et de 6,64 % depuis le début de l’année. Le Shenzhen Stock Exchange Composite Index s’est envolé de 65,6 % en un an et de 24,38 % en à peine trois mois. La capitalisation boursière chinoise, déjà deuxième au monde, continue de grossir. Celle de Hong Kong s’établit à environ 3 380 milliards de dollars (américains), celle de Shanghai dépasse les 4 172 milliards de dollars tandis que celle de Shenzhen s’approche des 2 450 milliards de dollars.
Hong Kong, tête de pont
Autre élément encourageant, l’argument du difficile accès aux actions d’entreprises chinoises, justifiant de les tenir à l’écart de son portefeuille, est en train de perdre du poids. A Hong Kong notamment, où il est possible d’investir sans restriction, une entreprise cotée sur deux vient de Chine Continentale. Celles-ci représentent une part croissante de la capitalisation boursière hongkongaise, de 60,5 % à ce jour, participant à prés de 75 % des volumes d’échanges. Depuis 1993, date de cotation de la première entreprise de Chine Continentale à Hong Kong, Tsingtao Brewery, « les entreprises chinoises ont levé à Hong Kong plus de 190 milliards de dollars (US) en introduction en Bourse (actions H et « red chips » comprises), » calcule CY Leung, Chef de l’exécutif de Hong Kong. En 2014, elles ont constitué 85 % environ des 29 milliards de dollars d’introduction à la bourse hongkongaise.
La révolution du Shanghai-Hong Kong Stock Connect
Depuis le 17 novembre 2014, les investisseurs basés à Hong Kong peuvent aussi explorer la bourse de Shanghai, sans avoir besoin d’être accrédités à des programmes de quotas tels le QFII (Qualified Foreign Institutional Investor) ou le RQFII (Renminbi Qualified Foreign Institutional Investor). Le Shanghai-Hong Kong Stock Connect, la nouvelle liaison directe entre les bourses de Shanghai et de Hong Kong, donne accès à 568 valeurs A (actions cotées en Chine Continentale). « Représentant la moitié de la capitalisation de Shanghai, celles-ci participent à un tiers des échanges quotidiens, » indique François Perrin, responsable actions Grande Chine chez BNP Paribas Investment Partners.
« Nous investissons à Shanghai via le « Through train » (train rapide) et gardons notre quota RQFII pour nous positionner à Shenzhen puis, plus tard, sur le marché obligataire, » témoigne Haiyan Li-Labbé, analyste responsable du marché chinois chez Carmignac. A titre indicatif, 10 % des actifs gérés par la maison présidée par Edouard Carmignac sont investis en actions chinoises, soit, 5 milliards d’euros au total, dont 400 millions d’euros en actions A.
La propriété des titres en débat
BNP Paribas Investment Partners également participe au Shanghai-Hong Kong Connect, mais avec seulement certains fonds, en l’occurrence ceux qui sont enregistrés en Corée. Le gestionnaire d’actifs attend l’autorisation de la Luxembourg Financial Sector Supervisory Commission (CSSF) relative à la validation de la mise à jour de ses prospectus, « mais il y a une liste d’attente importante… » observe François Perrin. C’est ainsi que nombre de sociétés de gestion, enthousiastes à l’idée de pouvoir accroître plus facilement la part d’actions A dans leurs portefeuilles, sont contraintes de patienter.
Et encore, les discussions de mise en conformité réglementaires sont plus avancées avec les autorités du Luxembourg qu’avec les anglaises et les américaines. Le frein majeur est le système de reconnaissance par les autorités de Chine Continentale de la propriété des titres des investisseurs « Northbound » (basés à Hong Kong, qui investissent à Shanghai).
Ces titres sont logés dans un compte détenus par la chambre de compensation du HKEx, en l’occurrence Hong Kong Securities Clearing Company (HKSCC), et enregistrés à son nom dans les livres de ChinaClear (la chambre de compensation des membres du Shanghai Stock Exchange (SSE)). Cependant, vis à vis de la réglementation de Chine Continentale, HKSCC n’est le détenteur des titres du SSE Securities que « de nom », pas en substance. Aux yeux des autorités continentales, les titres « Northbound » ne sont pas la propriété de HKSCC, qui agit « as nominee », mais celle des investisseurs finaux, dénommés « bénéficiaires nominatifs ». Or, suivant le système de détention indirecte de titres adopté à Hong Kong (comme dans la plupart des places financières), HKSCC n’est pas en mesure d’identifier les propriétaires bénéficiaires « nominatifs ». Ce cadre créé des incertitudes sur la façon dont les détenteurs d’actions A basés à Hong Kong peuvent, en cas de nécessité, réclamer leurs droits d’actionnaires en Chine.
Afin de trouver un terrain d’entente, la Securities and Futures Commission (SFC) de Hong Kong a lancé (le 2 mars) auprès des investisseurs une consultation qui devrait durer trois mois (www.sfc.hk).
« Il est logique qu’il y ait des réglages à effectuer. Deux mondes sont en train de se rencontrer, » commente Stéphanie Marelle, responsable de BNP Paribas Securities Services Hong Kong. Les efforts fournis de part et d’autre afin de surmonter les difficultés techniques sont gigantesques. Ils aboutissent déjà à des résultats positifs. Outre l’amélioration des délais de règlements des investisseurs souhaitant céder leurs actions A à Hong Kong, il est également possible, depuis le 2 mars, de réaliser, sur certaines valeurs du Shanghai Stock Exchange des ventes à découvert.
Prêts pour Shenzhen
La même structure que celle du Shanghai-Hong Kong Connect devrait être adoptée pour la connexion directe entre Shenzhen et Hong Kong. « Elle devrait être annoncée dans la seconde partie de l’année, » déclare Charles Li, chief executive du Hong Kong Stock Exchange (HKEx). De fait, de plus en plus d’investisseurs se positionnent à Shenzhen dans l’anticipation de ce projet, estimant que les actions de ce marché devraient bénéficier des futurs flux supplémentaires entrants. « Les valorisations moyennes y sont plus élevées qu’à Shanghai à l’heure actuelle, » relève Karine Hirn, cofondatrice de East Capital. « La bourse de Shenzhen comporte un plus grand nombre de titres, plus de petites sociétés au profil de risque plus élevé, avec une rotation (« turnover ») identique », décrit-elle.
Vers une simplification des programmes de quotas
En attendant le lancement du « Shenzhen Through train », pour investir sur la troisième place boursière chinoise en terme de capitalisation, les gérants d’actifs «overseas » (étrangers) n’ont pas d’autres choix que de puiser dans leurs ressources de quotas QFII ou RQFII. Dans ce domaine aussi, leur vie pourrait être simplifiée. La China Securities Regulatory Commission (CSRC) serait en train d’étudier la possibilité de fusionner les régimes légaux des programmes QFII et RQFII. En particulier, les fonds QFII devraient bénéficier des meilleures conditions de liquidités du RQFII.
A l’heure actuelle, « il est moins rentable de procéder à une demande d’accréditation de QFII, aux montants de quotas alloués souvent limités à des tranches de 200 millions de dollars, » remarque Haiyan Li-Labbé, qui a obtenu la licence puis un quota RQFII de 3 milliards de renminbi, à Paris, en septembre 2014. « Le RQFII est plus flexible. Dès que le quota attribué est épuisé, nous pouvons demander un redressement chaque mois, » précise l’experte en la matière.
Prochaine étape, la reconnaissance mutuelle des fonds
La connexion directe des marchés de Chine Continentale avec Hong Kong n’est pas le seul sujet qui mobilise l’industrie financière de la région. La reconnaissance mutuelle des fonds, qui permettra aux sociétés de gestion de vendre leurs fonds domiciliés à Hong Kong en Chine et vice et versa, en est un autre. « Il pourrait tout à fait être lancé en même temps que la connexion de la Bourse de Hong Kong avec Shenzhen. Maintenant que le système de connexions directes entre Bourses est construit, les autorités chinoises, en soif d’exploration, vont rapidement passer à l’étape suivante, » analyse Xiao-Feng Zhong, directeur général Asie du Nord d’Amundi à Hong Kong. Les travaux qui en découleront seront colossaux : Il existe environ 400 fonds domiciliés à Hong Kong et 500 fonds chinois qualifiés. Les actifs sous gestion des sociétés de gestion de fonds en Chine Continentale s’élèvent à près de 6,7 billions de renminbi fin 2014, à comparer à un PIB d’un peu plus de 10 billions de dollars (plus de 62,5 billions de renminbi), calcule Xiao-Feng Zhong. Le potentiel d’une telle initiative est indiscutable.
Tableau de bord de l’investisseur en actifs chinois :
2003
QFII (Qualified Foreign Institutional Investor)
Autorise, sous réserve de quotas d’accréditation, les investisseurs étrangers à apporter des dollars américain en Chine Continentale, à les convertir en renminbi onshore (CNY), puis à les investir en actifs financiers régulés par la China Securities Regulatory Commission (CSRC).
(261 licenciés à fin janvier 2015 ; 69 milliards de dollars)
2011
RQFII (Renminbi Qualified Foreign Institutional Investor)
Autorise, sous réserve de quotas d’accréditation, les investisseurs étrangers à réinvestir du renminbi offshore (CNH) sur les marchés financiers de Chine Continentale régulés par la CSRC.
(118 licenciés à fin janvier 2015 ; 304 milliards de renminbi)
Premier RQFII attribué à Hong Kong en 2011 de 20 milliards de renminbi, relevé deux fois pour atteindre 270 milliards.
Depuis 2013, attributions de RQFII au Royaume-Uni, à Singapour, à la France, à l’Allemagne, à la Corée du Sud, au Canada, à la Suisse, au Qatar, à l’Australie, etc.
2013
Les demandeurs de QFII et de RQFII peuvent demander l’autorisation de participer au marché obligataire interbancaire, régulé par la Peoples Bank of China (PboC).
2014
Shanghai-Hong Kong Stock Connect
Calendrier prévisionnel :
2015
Shenzhen-Hong Kong Stock Connect
Reconnaissance mutuelle des fonds, démarrage des travaux
2016
Intégration au MSCI Emerging Markets
A venir : Connexions des marchés d’ETF, de Futures, obligataires, de matières premières
(Publié sur www.lefevrefinance.fr ; Sylvain Lefevre Finance)