Dossier spécial « Travailler en Chine » : Les conseils d’Eric Tarchoune, fondateur et directeur général de Dragonfly Group
(Available in English) Fondateur et directeur général du cabinet de ressources humaines Dragonfly Group, Eric Tarchoune vit à Shanghai. Installé en Chine depuis plus de 20 ans, il dévoile quelques clés de la réussite professionnelle dans l’Empire du Milieu.
« Les Chinois attendent un investissement humain réel, à la hauteur de leur propre implication. »
Comment préparer au mieux le départ et les premiers pas d’un expatrié français en Chine ?
L’expression maladroite la perception des expatriés français, différente de celle des Chinois à bien des égards, peut éventuellement créer des malentendus néfastes à la gestion de la filiale de l’entreprise qu’ils viennent de rejoindre. Les biais culturels franco-chinois concernent aussi bien la notion du temps que la logique d’analyse, la relation à la hiérarchie, le processus de décision, les priorités retenues en maîtrise d’œuvre, la manière de communiquer. C’est tout un système de valeurs qu’il s’agit d’apprendre à considérer avec un autre prisme. La seule manière d’y parvenir est d’en apprivoiser la culture. Cette étape est fondamentale pour assimiler les règles du jeu de l’univers chinois. C’est pourquoi je conseille aux futurs expatriés de suivre une formation destinée à acquérir les notions culturelles basiques avant leur départ. Ensuite, un suivi personnel sous la forme d’un coaching, lors des premiers mois qui suivent leur arrivée en Chine, est loin d’être une perte de temps. Cet appui, qui permet d’éviter les faux pas, facilite autant l’intégration professionnelle que personnelle. Cependant, ce cheminement ne sera couronné de succès que si l’expatrié fait preuve de respect et d’un intérêt réel envers autrui.
Quelles sont les compétences requises pour travailler en Chine ?
Les sièges des grands groupes français ont tendance à envoyer à l’étranger de préférence les employés dotés d’un bon niveau d’Anglais. Pour des postes à pourvoir en Chine, je pense que ce n’est pas la meilleure tactique. Mieux vaut choisir un professionnel qui excelle dans son domaine, capable, si nécessaire, de se remettre à niveau dans la langue de Shakespeare grâce à une formation complémentaire. Sur place, l’expatrié devra faire ses preuves rapidement, confrontés à d’autres professionnels très compétents, réactifs, habitués à la concurrence, dotés d’une impressionnante capacité de travail et gymnastique d’esprit. Parmi les qualités requises pour réussir dans l’empire du Milieu, je citerais la flexibilité, la capacité à prendre des décisions mais aussi à se remettre en question, le fait de ne pas compter ses heures de travail, le respect de la culture chinoise et d’autrui. A ce propos, le respect d’autrui, accompagné d’une dose de modestie et de curiosité attentionnée, est le moteur fondamental de l’harmonie au sein d’une équipe multiculturelle.
Une expatriation de trois ans, est-ce rentable ?
Une expatriation si courte est une hérésie – bien que cela soit la règle au sein de nombreuses entreprises – sauf s’il s’agit de transférer rapidement une expertise à l’équipe locale. En Chine, il faut absolument s’inscrire dans la durée. Les liens de confiance se tissent lentement. Les Chinois attendent un investissement humain réel, à la hauteur de leur propre implication dans la relation, qui leur vient naturellement. Trois ans sur place, ce n’est vraiment pas suffisant pour engager une action constructive. Cela correspond à peine au temps qu’il faut pour dépasser la phase d’observation et commencer à pouvoir compter sur un réseau fiable.
Peut-on appliquer en Chine les méthodes d’évaluation du personnel appliquées en France ?
Pas du tout. Par exemple, l’évaluation à 360 degrés (qui vient des États-Unis) est à bannir. Elle consiste à évaluer les compétences d’un responsable d’équipes en mettant à contribution l’intégralité de son entourage professionnel. En Chine, cette méthode ne peut pas fonctionner car exprimer des critiques envers sa hiérarchie est un sacrilège. De surcroît, les Chinois communiquent de manière positive : Les ratages sont passés sous silence tandis que les réussites sont mises en valeur. Par exemple, on ne dit pas : « Le projet A est un échec.» On dira plutôt : « Le projet B est réussi, » sous-entendant que le projet A aurait pu être mieux traité. Quoi qu’il arrive, la face doit être gardée, en particulier en public. Cette règle élémentaire est à respecter en toutes circonstances. Il convient donc de privilégier des comptes rendus constants entre le manager et ses subordonnés dans l’intimité d’un face à face.
Comment la France pourrait-elle pallier son manque de ressources humaines adaptées à une expatriation en Chine ?
La Chine représente l’un des débouchés commerciaux les plus porteurs pour les entreprises françaises. Or, celles-ci manquent cruellement de collaborateurs suffisamment imprégnés de la langue et de la culture chinoise pour comprendre et savoir pénétrer ce marché. Pourtant, l’offre de formation à l’apprentissage du Mandarin se développe rapidement à partir du collège, du lycée et dans le cadre universitaire, à Paris avec notamment l’INALCO (L’Institut national des langues et civilisations orientales) et Jussieu ou dans d’autres villes (Lyon, Aix-en-Provence, etc…). Il s’avère cependant que les entreprises hexagonales n’ont pas suffisamment recours à cette pépinière de talents dotée d’une orientation chinoise voire asiatique. Il s’agit sans doute pour ces dernières d’une piste à approfondir en vue de développer une présence significative dans l’Empire du Milieu.
Dossier spécial « Travailler en Chine »
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