Expansion de la consommation et des services, la « nouvelle normalité » chinoise
Au milieu du bruit lié à la panique sur les divers marchés financiers, le G20 d’Ankara a permis à la Chine de rappeler quelques réalités. « La Chine ne peut plus dépendre de politiques de soutiens (d’investissements) afin de réaliser 9 à 10 % de croissance de PIB par an, tandis que plusieurs années sont nécessaires afin de digérer les excès de capacités industrielles et de stocks, » a expliqué Lou Jiwei, ministre chinois des finances.
Loin d’être une surprise, cette phase de digestion annoncée il y a près de trois ans, explique en grande partie que l’objectif de croissance du PIB de la deuxième économie mondiale ait été fixé à 7 % pour 2015. Cette décélération représente l’ère de « la nouvelle normalité » économique chinoise – selon les termes du Président, Xi Jinping – définie par le rééquilibrage de l’ensemble de ses composantes.
La consommation, moteur de la croissance
La donne actuelle, qui, certes, pénalise les anciens bénéficiaires de l’époque des dépenses sans compter, est plus saine. Elle se caractérise par la mise en œuvre de réformes structurelles espérées de longue date et favorise d’autres occasions de développement, notamment de projets s’adressant aux consommateurs devenus plus aisés.
« La qualité de la croissance est déjà en train de s’améliorer, avec 7 millions d’emplois créés dans la première partie de l’année. Dorénavant, la contribution de la consommation à la croissance dépasse celle de l’investissement, » a indiqué Lou Jiwei au G20.
Les revenus des ménages augmentent
Si l’investissement urbain en termes réels « est bien passé de plus de 22 % de croissance en 2013 (en glissement annuel) à 15 % cette année (en glissement annuel), » a contrario, « la consommation est devenue le moteur principal de la demande domestique, » confirme Bei Xu, global strategist d’Exane Derivatives. La consommation a contribué à 60 % de la croissance au premier semestre 2015. « Cette dichotomie entre consommation et investissement traduit la transition structurelle du modèle de croissance chinois, voulue par les autorités, » analyse Bei Xu.
Selon Jacqueline Rong, économiste de BNP Paribas, les revenus des ménages ont augmenté au premier semestre 2015 de 9 % d’une année sur l’autre, distançant le taux de croissance nominal du PIB.
Déploiement accéléré des services
Une autre donnée révélatrice de la modernisation chinoise est celle du poids des services dans l’économie. Ils représentent désormais 49,5 % du PIB, à comparer à 47,4 % un an auparavant. Selon les données officielles, la progression de l’activité du secteur est passée de 7,9 % au premier trimestre à 8,8 % au deuxième trimestre 2015 (nettement au dessus de la croissance du PIB attendue).
L’expansion du secteur tertiaire demeure cependant difficile à évaluer. Peu d’outils et de données statistiques pertinentes permettent aujourd’hui d’en suivre l’évolution. Pour ce faire, au lieu d’étudier la consommation d’électricité, un indicateur d’activité industrielle, il vaudrait mieux observer les ventes du géant Alibaba, les flux de colis envoyés par les centrales d’achat des spécialistes du commerce en ligne, etc.
Il serait d’autant plus approprié de surveiller les divers modes de trafics numériques que les ménages chinois sont sans doute les consommateurs au monde les plus friands d’Internet, les plus actifs sur la toile, les plus gourmands de technologies digitales dernier cri. Une récente étude du China Internet Network Information Centre (CINIC) indiquait décompter 668 millions d’utilisateurs d’Internet en Chine fin juin 2015, soit une hausse de 2,91 % (ou de 18,94 millions d’utilisateurs) par rapport à fin 2014.
S’adapter à l’hyperactivité des consommateurs
Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que, lors d’un événement organisé par la Chambre de Commerce américaine de Hong Kong, portant sur les implications de la « nouvelle normalité » chinoise, Victor Fung, « group chairman » de Fung Group (multinationale spécialisée dans le commerce, la logistique et la distribution) ait déclaré, qu’à l’avenir, les nouveaux plans de développement des entreprises devraient être adaptés à l’hyperactivité des consommateurs chinois, affamés de nouvelles technologies.
Également témoin de l’émergence rapide des services, Honson To, « chairman » de KPMG China, a révélé, quant à lui, que les discussions prévalant au sein des entreprises chinoises, efficientes, bien préparées à la « nouvelle normalité », dirigées par des entrepreneurs chevronnés, étaient celles concernant l’amélioration de la compétitivité. Porteuses d’un discours optimistes quant à l’expansion de la consommation domestique, leur objectif principal est de savoir mobiliser une main d’œuvre dynamique afin de conquérir des parts de marchés supplémentaires.
Observateur des mêmes phénomènes, John Rice, « vice chairman » de General Electric, a attesté que la Chine n’était plus du tout la place des bas coûts industriels. L’innovation a projeté les entreprises chinoises à un autre stade. Et celles ci sont de plus en plus nombreuses à travailler avec d’autres pays.
Barrières à l’entrée
Aux yeux des professionnels invités par la Chambre de Commerce américaine de Hong Kong, le potentiel du consommateur chinois n’est guère un sujet d’inquiétude. S’il en est un, en revanche, il s’agit des régulations domestiques qui constituent des barrières à l’entrée extrêmement coûteuses, estime Karen Reddington, « president » de la division Asia Pacific de FedEx. Ces coûts incontournables expliquent que les entreprises étrangères se réjouissent de l’ouverture de plusieurs zones de libre échange (à Shanghai, Tianjin, dans les province du Guangdong et de Fujian)… Elles considèrent ces initiatives comme un facilitateur de compétition internationale.
En graphique :
Avancée des services, repli de l’industrie