La Bourse de Hong Kong, volatile, évalue la restructuration du secteur financier chinois
Depuis le mois de septembre, l’indice boursier phare de la Bourse de Hong Kong, le Hang Seng Index, peine à se redresser, ballotté à la fois par des vents extérieurs – attentes de plus de clarté concernant les politiques américaines – et « intérieurs ». Depuis quelques jours, ce sont les valeurs financières composant l’indice qui se retrouvent dans le collimateur des investisseurs. Le secteur de l’assurance, par exemple, est en train d’être passé au crible après que UnionPay ait indiqué (samedi 29 octobre) qu’il allait imposer des restrictions à ses clients basés en Chine continentale, utilisant ses cartes de crédit ou de débit pour acheter des produits d’assurance de Hong Kong.
Tour de vis
Dorénavant, les Chinois du Continent ne pourront plus utiliser UnionPay pour acheter des produits d’assurance hongkongais incluant une faculté d’investissement. Cette nouvelle règle risque de représenter un manque à gagner considérable pour les assureurs basés à Hong Kong. Désormais, seuls les achats d’assurances hongkongaises contre les accidents, décès ou maladies seront permis. UnionPay a déclaré en outre que les Chinois continentaux ne pourront plus dépenser plus de 5 000 dollars (en produits d’assurance étrangers) par transactions. Toutefois, le groupe de services financiers n’a pas donné de limitation concernant le nombre de fois où les clients pourront utiliser leurs cartes de paiement afin de compléter l’investissement qu’ils ciblent.
L’annonce d’UnionPay intervient à l’heure où les autorités chinoises tentent de contrôler les fuites de capitaux. Celles-ci estiment que l’achat de produits d’assurances à l’étranger est devenu une façon de déguiser les intentions d’investissements hors du pays, un contournement des restrictions en vigueur (50 000 dollars d’investissement à l’étranger par an par citoyen chinois). Il est vrai que de nombreux Chinois du Continent se sont rendus à Hong Kong depuis le début de l’année afin d’acquérir des polices d’assurances, pour un montant total de 30,1 milliards de Hong Kong dollars (3,85 milliards de dollars) au premier semestre 2016. Cette somme atteint presque celle des 31,6 milliards de Hong Kong dollars placés en assurance hongkongaise par les Chinois continentaux au cours de l’année 2015.
Faillites et pertes au grand jour
L’autre élément qui joue sur la volatilité du Hang Seng est la publication des résultats des banques de Chine continentale. Surtout depuis que les faillites des grandes entreprises nationales semblent être de moins en moins un sujet tabou. Deux cas récents illustrent ce propos. Début octobre, le tribunal de Jiangxi a approuvé le plan de restructuration de mise en faillite du producteur de panneaux solaires, LDK. Trois de ses filiales principales sont en cours de réorganisation tandis qu’une autre est liquidée. LDK et ses filiales seraient endettées à hauteur de 39,5 milliards de Renminbi, dont 27,1 milliards financés par les banques chinoises.
Les entreprises d’Etat (SOE) ne sont pas épargnées : Dongbei Special Steel Group Co, entreprise détenue par l’État (une histoire de plus de 100 ans), est entrée aussi en procédure de faillite début octobre. Sa dette totale tournerait autour de 36 milliards de Renminbi, dont la majeure partie bancaire. « Il semble que les gouvernements locaux sont en train d’accepter le fait que les grandes entreprises, privées ou détenues par l’État, peuvent faire faillite. A l’avenir, les banques devraient donc publier des montants plus importants d’annulations de dettes (« write-off »). Cependant, nous nous attendons à ce que les banques concernées aient déjà réalisé les provisions adéquates, de plus de 70 % dans la plupart des cas, » estime Victor Wang, analyste de BNP Paribas Securities (Asia) Ltd. L’acceptation par les autorités chinoises locales des dépôts de bilan des entreprises fragilisées, qu’elles soient privées ou détenues par l’État, est une avancée considérée comme positive par de nombreux observateurs. Si ce mouvement force les banques à reconnaître subitement leurs pertes de façon douloureuse, il leur permet, en revanche, d’éviter de gaspiller du crédit et du capital.
Pour la période allant de janvier à septembre 2016, le total des pertes provenant des actifs douteux (« bad assets ») des cinq plus grandes banques chinoises s’établit ainsi à 273,7 milliards de Renminbi, en hausse de près de 54,6 % par rapport à la même époque de 2015. En comparaison, les bénéfices nets des cinq mastodontes bancaires s’élèvent à 776,9 milliards de bénéfices nets, quasiment stables par rapport à l’année dernières. Au cours des neuf premiers mois de 2016, ces banques sous revue ont également su lever 1 800 milliards de Renminbi de nouveaux capitaux (principalement via des émissions obligataires).
La banque, un secteur stratégique de la Chine
Selon CLSA, le ratio bancaire de prêts douteux (« bad-debt ») des banques chinoises serait de 15 % environ. Suivant l’hypothèse d’un ratio de recouvrement de 40 %, la perte potentielle bancaire reviendrait à 10 % du PIB chinois. CLSA estime par ailleurs les pertes liées aux créances douteuses de la finance de l’ombre (« shadow banking ») à 3,7 % du PIB. La perte combinée, liée à la fois aux prêts douteux bancaires et aux prêts douteux de la finance de l’ombre, représenterait 14 % du PIB. « Une portion significative de cette perte sera sans doute prise en charge par le gouvernement qui est encore faiblement endetté, à 44 % du PIB, » relativise Francis Cheung, « head of China, Hong Kong strategy » de CLSA. Il ajoute : « La banque est le secteur considéré comme le plus stratégique et, par conséquent, dispose d’une garantie implicite de la part des autorités chinoises. » Autrement dit, les pertes liées aux créances douteuses bancaires, aussi importantes soient-elles, ne devraient pas justifier une perte de sang froid de la part des investisseurs.
La SFC investigue plus sévèrement
Un autre sujet financier qui monopolise les conversations des acteurs bancaires basés à Hong Kong est l’attitude « jugée » plus sévère de la Hong Kong’s Securities and Futures Commission (SFC) depuis le mois de mai. Cette posture coïnciderait avec la nomination de Thomas Atkinson, en qualité de directeur général en charge de la division « Enforcement » de l’autorité de régulation. Il se dit même à l’heure actuelle (selon FinanceAsia le 28/10/2016) que UBS à Hong Kong pourrait perdre sa licence « corporate finance » (financement des entreprises : sponsor pour les introductions en bourse, conseil en fusions et acquisitions) à l’issue de l’investigation en cours de la SFC. Et, selon les rumeurs, la banque suisse ne serait que la première d’une longue liste à passer sous les fourches caudines de l’autorité hongkongaise.