G20 2016 : L’avis de Jean-Pierre Lehmann, professeur honoraire à l’IMD
Jean-Pierre Lehmann, professeur honoraire à l’IMD (International Institute for Management Development), fondateur du Groupe d’Evian, exprime son point de vue sur le G20 2016 organisé par la Chine, à Hangzhou.
Quelle est l’originalité de ce dernier G20, autre que de se tenir en Chine ?
Le fait qu’il se soit tenu en Chine est justement son originalité mais il s’agit d’une symbolique qui va dans le sens de l’histoire. Le monde d’aujourd’hui est « sino centré » et ne peut pas faire autrement que d’accepter – que ce soit avec enthousiasme ou inquiétude – l’influence croissante économique et politique de l’Empire du Milieu sur la scène internationale. En tenant l’agenda de ce G20 de Hangzhou, la Chine a souhaité démontrer de façon emblématique sa légitimité à prendre une plus grande part dans la gouvernance mondiale, jusqu’à présent noyautée par les grandes puissances traditionnelles. Bien sûr, seul l’avenir dira si la transformation chinoise en cours sera une réussite. Toutefois, dans les années à venir, seule la relation bilatérale entre les États-Unis et la Chine comptera.
Attendiez-vous une décision historique ?
Depuis 2008, les G20 n’ont jamais débouché sur des décisions historiques et celui-ci n’échappe pas à la règle. Il est évident qu’on ne peut pas régler des problèmes en arrivant le dimanche soir et en repartant le mardi matin, comme le font les personnalités « leaders », signataires du communiqué final … Il est vrai cependant que la Chine n’a pas ménagé ses efforts pour organiser de multiples réunions préparatoires, afin de préparer au mieux le sommet. Même si cette rencontre dédiée à la concertation internationale ne débouche pas sur d’accord historique, elle a au moins le mérite de provoquer les rencontres ainsi qu’un certain dialogue.
Comment expliquez-vous l’exacerbation actuelle du protectionnisme ?
L’une des explications est que nombre de traités dits de libre-échange ont été établis à partir d’hypothèses qui ne prenaient pas en compte les conséquences sociales. Une politique économique de mondialisation ne suffit pas, il faut désormais y intégrer une politique sociale au niveau mondial. De plus, la mondialisation ne peut fonctionner qu’en étant fondée sur des règles créées ensemble, dont, justement, le G20 devrait être un vecteur. Or, les institutions mondiales d’origine, conçues dans cette optique, telle par exemple l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), ont délibérément choisi une gouvernance laissant peu de place au monde des pays émergents. Ces institutions ont été trop rigides, partant du principe que les puissances nouvelles allaient d’elles-mêmes adhérer à leurs règles, sans être véritablement intégrées aux projets décidés. En face, les pays en développement n’ont pas su non plus comment s’y prendre pour se positionner, se présenter ni établir un échange convaincant. En conséquence, il n’y a eu ni dialogue ni de base saine de compréhension. C’est ce qu’il reste à construire, afin d’espérer observer une atténuation de la résurgence du protectionnisme.
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