Dossier « Zones de libre-échange en Chine » : Leur expansion stimule l’économie chinoise
Même si leur mode de fonctionnement est remis en cause, les accords de libre-échange entre nations sont généralement conçus dans l’optique de favoriser l’expansion du commerce international, en supprimant ou en réduisant les barrières douanières, réglementaires, administratives. Les zones de libre-échange (dont l’une des déclinaisons est la « zone économique spéciale »), situées à l’intérieur d’un pays dans un périmètre délimité, répondent à un principe d’ouverture similaire, souvent conçues pour attirer plus d’investissements étrangers. Il est intéressant de noter qu’à contre courant de la résurgence actuelle du protectionnisme, la Chine prévoit de faire passer le nombre de ses zones de libre-échange (FTZ) de quatre (Shanghai, Tianjin, Guangdong, et Fujian) à onze. Les sept nouvelles régions, qui devraient prochainement bénéficier d’un environnement des affaires plus ouvert, sont celles de Chongqing, Zhejiang, Hubei, Henan, Sichuan, Shaanxi, et de Liaoning, quadrillant une grande partie du territoire chinois.
Attirer des capitaux étrangers
Les ambitions de ce mouvement à grande échelle, s’il se concrétise (le calendrier de lancement demeure inconnu), sont multiples. D’abord, il s’agit d’attirer plus d’investisseurs étrangers sur le territoire chinois et de les convaincre de rester, tandis que la tendance à la dépréciation du Renminbi (par rapport au dollar ou par rapport au CFETS RMB Index) joue plutôt en faveur de sorties de capitaux. Il semble toutefois que les acteurs influencés par le facteur devise appartiennent en majeure partie à la catégorie des investisseurs de court terme (dont les spéculateurs) : In fine, les investissements directs étrangers (IDE) en Chine se sont accrus de 4,2 % d’une année sur l’autre au cours des neuf premiers mois de 2016 (à 609,03 milliards de Renminbi – 95,09 milliards de dollars).
Le deuxième objectif des autorités chinoise en multipliant les FTZs est de stimuler l’innovation des entreprises, de leur créer de nouveaux débouchés afin de maintenir un taux de croissance facilitant la mise en musique des multiples réformes à l’agenda. « Couvrant une plus grande surface du territoire et une plus grande palette de types d’industries, les FTZs, qui seront dotées de leurs propres caractéristiques, aideront à approfondir les réformes, » résume Gao Hucheng, le ministre du Commerce chinois.
Revitalisation du territoire
S’appuyant sur leur situation géographique ainsi que sur leurs divers héritages industriels, chacune des futures FTZs sera dotée d’un projet spécifique. Et pour le mettre en œuvre, elles seront épaulées par des politiques préférentielles adaptées aux objectifs à atteindre. La FTZ de Henan (centre-est de la Chine), par exemple, devra devenir un carrefour (« hub ») logistique en développant un système de transport modernisé. Les FTZs de Chongqing, Sichuan et Shaanxi, situées dans des parties de l’Ouest moins développées, devront cibler les industries à haute technologie tout en renforçant leurs échanges commerciaux avec les pays voisins, parties prenantes de l’initiative OBOR (« One Belt, One Road » / « Une Ceinture, Une Route »). La FTZ de Hubei aussi devra se concentrer sur les secteurs à haute technologie, participant à l’expansion de la ceinture économique du fleuve Yangtze (« Yangtze River Economic Belt »). La FTZ de Zhejiang devra explorer la libéralisation des échanges dans les matières premières afin d’en optimiser la distribution. Quant à la FTZ de la province de Liaoning (au nord-est de la Chine, à la frontière de la Corée du Nord), elle devra travailler à la renaissance de l’industrie de la région, terriblement affectée par la tombée en désuétude du secteur manufacturier de base (pétrochimie, machines outils, compagnies minières). « Avoir une FTZ, c’est comme recevoir le remède qui tue la maladie dont notre économie souffre depuis trop longtemps, » déclare Liang Qidong, directeur adjoint de l’Académie des sciences sociales de Liaoning. Cette revitalisation s’appuiera sur les atouts de Dalian, le port le plus important de la région, ville réputée également pour abriter la plus grande bourse de produits futures de matières premières de l’Empire du Milieu, le Dalian Commodity Exchange. L’instauration de nouvelles FTZs en Chine ne répond donc pas qu’au souhait d’attirer plus de capitaux étrangers. Elle s’inscrit dans la nécessité de revigorer les régions affectées par la transformation industrielle et tertiaire du pays, d’éviter trop de d’écarts de revenus entre les régions en pointe, à fort taux de croissance, et celles déshéritées par le changement de modèle économique du pays.
Des critiques mais de l’enthousiasme
Stimulateur d’activité, l’approfondissement du système des FTZs sur le territoire chinois ne devrait pas être boudé par les entreprises étrangères désireuses d’élargir leurs marchés. S’établir en FTZ procure en outre de multiples avantages. (Lire le témoignage de Peter Yu, président et co-fondateur de 1 Yuen, installée dans la FTZ de Shanghai) Bien sûr, leur fonctionnement peut encore s’améliorer. A cet égard, le cabinet de conseil Harris Corporate Solutions relève les difficultés de compréhension des règles du jeu de la part des entreprises étrangères. Il explique : « Les directives officielles sont souvent trop générales, laissant de la place à l’interprétation ou à de l’incertitude. » Le cabinet précise : « Par exemple, une règle nationale stipule qu’il n’y a pas de capital minimum requis en FTZ pour établir une nouvelle activité, alors qu’en pratique, un minimum de capital est recommandé par certains bureaux locaux administratifs. » Autrement dit, s’installer en FTZ ne s’improvise pas et il vaut mieux s’entourer de connaisseurs des rouages sur le terrain. Cette précaution, qu’il est vivement recommandé de prendre, ne freine toutefois pas les ardeurs des plus motivés. 5 984 entreprises à capitaux étrangers (FIE : « foreign-invested enterprises ») se sont déjà installées dans la FTZ de Shanghai (entre son lancement et juin 2016). Les FTZ de Guangdong, de Tianjin et de Fujian ont vu le nombre de nouvelles FIE progresser dans leur périmètre de respectivement 287 %, 235 % et 506 % d’une année sur l’autre, entre leur établissement (en avril 2015) et la fin de 2015. Au cours de cette période, les investissements étrangers ont été en augmentation respectives de 225 %, 220 % et de 548 %. Malgré les critiques concernant le manque de transparence des règles en vigueur, l’attrait des FTZs chinoises est évident.
A lire dans le dossier « Zones de libre-échange en Chine »
• Le bilan de l’accord CEPA (Closer Economic Partnership Agreement) avec Hong Kong
L’entretien avec Dickson Ho, économiste principal (Asie et marchés émergents) du Hong Kong Trade Development Council (HKTDC)
• Les avantages de s’implanter dans la zone de libre-échange de Shanghai
Le témoignage de Peter Yu, président et co-fondateur de 1 Yuen Network Technology
Les pionnières
• Shanghai
Naissance : Août 2013
Objectif : Attirer plus d’investisseurs étrangers
Commerce international, services financiers, e-commerce, innovation, industrie médicale
• Tianjin
Naissance : Avril 2015
Objectif : Faire émerger le pôle Beijing, Tianjin, Heibei (Jingjinji)
Volonté du gouvernement de combiner ces villes en terme d’infrastructures, d’industries, de ressources en recherche et développement
Renforcer Tianjin dans le corridor économique Chine-Mongolie-Russie
• Guangdong
Naissance : Avril 2015
Objectif : Faire croître la compétitivité de l’une des régions les plus prospères de Chine
Porte de la Chine continentale sur Hong Kong et Macao, positionnée sur la « route maritime de la soie » (vers l’Afrique et l’Europe)
Industries de pointe, gigantesque secteur de l’électronique, recherche et développement à Shenzhen, industrie de la finance, dédouanement
• Fujian
Naissance : Avril 2015
Objectif : Promouvoir les échanges commerciaux entre Taïwan et la Chine continentale
Commerce avec Taïwan, production de services, développement de services haut de gamme