Xi Jinping au Royaume-Uni : Une visite très fructueuse
La visite du président de la République Populaire de Chine, Xi Jinping, au Royaume-Uni sera éventuellement qualifiée d’historique par les commentateurs politiques, symbole de « l’ouverture d’un nouvel âge d’or », à l’observation de l’affichage de relations diplomatiques resserrées entre les deux puissances.
Le ton avait déjà été un peu donné lors de la création de l’Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB), boudée par les États-Unis. A contrario, la Grande Bretagne avait été la première nation européenne à annoncer sa participation en qualité de membre. Cela dit, cette décision s’inscrivait dans la suite logique des choses : La croissance des investissements britanniques en Chine était en train de devenir impressionnante, à un taux annuel de 71,7 % au cours des trois dernières années. L’an dernier, ceux-ci ont bondi de 87,6 % d’une année sur l’autre, le plus fort taux de progression des pays européens.
Le Royaume-Uni est devenu le deuxième plus grand investisseur européen en Chine et la deuxième plus grande destination d’investissement en Europe pour l’Empire du Milieu. En 2014, les volumes d’échanges entre la Chine et le Royaume-Uni ont dépassé pour la première fois les 80 milliards de dollars. Les importations chinoises venant du Royaume-Uni ont doublé en cinq ans.
Intérêts communs, atouts complémentaires
Le moment choisi par la Chine pour renforcer ses liens avec le Royaume-Uni n’est pas non plus anodin. Fort de la place financière internationale de Londres, le pays est le mieux placé d’Europe pour participer à l’ambition chinoise d’internationaliser le Renminbi, et ce faisant, de jouer un rôle prédominant dans l’initiative d’envergure « One Belt, One Road » (« Une Ceinture, Une route »).
Pour rappel, ce projet initié en 2013 par Xi Jinping prévoit de créer une « Ceinture économique de la route la soie » et la « Route maritime de la soie du 21ième siècle ». La « Route maritime » suit un itinéraire passant par le détroit de Malacca jusqu’à l’Inde, le Moyen-Orient, puis l’Afrique de l’Est. La « Ceinture économique » terrestre doit relier, quant à elle, la Chine à l’Europe via l’Asie Centrale et de l’Ouest. Ce réseau traverse 65 pays et régions, concernant une population de 4,6 milliards.
Comme l’a déclaré Xi Jinping juste avant sa visite officielle, « le gouvernement britannique a lancé des plans ambitieux afin de moderniser ses infrastructures, la construction d’une centrale électrique dans le nord de l’Angleterre, la mise en œuvre de la stratégie « UK Industry 2050 ». Ces projets, ainsi que les initiatives « Road and Belt », « Made in China 2025 », et « Internet Plus » , entrepris par la Chine, sont complémentaires à bien des égards. » Une complémentarité à laquelle répond la nomination (la veille du voyage présidentiel chinois), par le Premier ministre britannique David Cameron, de Jack Ma, président et fondateur du gérant Alibaba Group, comme conseiller pour les affaires économiques britanniques. Sa mission sera de « dispenser son aide et ses conseils sur les moyens d’accroître les exportations des petites et moyennes entreprises britanniques, en particulier d’accéder au marché chinois via des sites comme Alibaba. »
Multitudes d’accords
Dans ce contexte, la visite d’État chinoise s’est révélée fort fructueuse. Les accords dévoilés et signés au cours du séjour de Xi Jinping ont atteint un total de 62 milliards de dollars environ. Ce montant inclut l’accord de construction et d’exploitation de deux réacteurs EPR à Hinkley Point. Le financement du projet (de 24,5 milliards d’euros) sera assuré par China General Nuclear Power Corporation (CGN) à 33,5 % et par EDF à hauteur de 65,5 %.
Parmi d’autres annonces marquantes, Geely Group of China (propriétaire depuis 2013 de la compagnie des taxis noirs londoniens) a indiqué prévoir de développer une nouvelle génération non polluante de taxis. Rolls-Royce a signé un accord avec la compagnie chinoise HNA Group afin de lui fournir 700 moteurs destinés à 20 Airbus A330. China’s Huadian Corporation a prévu d’acheter jusqu’à 1 million de tonnes de gaz naturel liquéfié par an à BP (British Petroleum). La compagnie pétrolière britannique a, quant à elle, étendu son partenariat avec China National Petroleum Corporation (CNPC) concernant l’exploration et l’exploitation potentielle de gaz de schiste dans la province du Sichuan.
Premier « Dim Sum » émis à l’étranger par la PBoC
La semaine a été riche aussi pour la place de Londres, premier centre financier européen « offshore » de Renminbi, bénéficiant directement de la volonté de la Chine d’internationaliser sa propre devise.
La banque centrale de Chine (PBoC / The People’s Bank of China) y a notamment émis son premier « Dim Sum » (obligation libellée en Renminbi) à l’étranger, à un rendement de 3,10 %. Le carnet d’ordres a été six fois plus élevé que ce qui avait été initialement prévu. La demande a été soutenue, alimentée en particulier par des investisseurs asiatiques.
« La première émission obligataire verte (« RMB green bond ») sera émise au Royaume-Uni » a en outre promis Xi Jinping.
De loin la plus significative d’Europe, la base de dépôt londonienne en Renminbi (20 milliards de yuan fin 2014) demeure cependant nettement inférieure à celle de Hong Kong, premier centre de Renminbi « offshore » au monde. L’étoffer paraît désormais incontournable, afin de répondre à la future demande grandissante des investisseurs européens.
Conscientes de cette nécessité, la Banque d’Angleterre et la PBoC ont renouvelé leur accord bilatéral de swap de devises pour 3 ans, élargi à une ligne de 350 milliards de yuan à comparer à 200 milliards précédemment.
Un « London-Hong Kong Connect » de matières premières
Pilier financier et atout majeur de la Chine dans le financement de l’initiative « One Belt, One Road », Hong Kong n’est bien sûr pas restée à l’écart des projets de coopérations avec le Royaume-Uni et Londres.
Un accord préliminaire a notamment été signé entre les deux places afin d’établir un lien de « trading » entre le Hong Kong Futures Exchange Limited (HKFE) et le LME (London Metal Exchange), ainsi qu’un lien de compensation (« clearing ») entre HKFE Clearing Corporation Limited (HKCC) et LME Clear Limited (LME Clear). Cette connexion, qui va permettre aux investisseurs de Hong Kong de couvrir leurs expositions au LME, est dénommée « London-Hong Kong Connect ».
« Ce lien va permettre d’accroître la base d’investisseurs potentiels sur le marché du LME, lui conférer une nouvelle dimension en Asie, tout en appuyant le développement de Hong Kong en tant que place d’échanges de matières premières, » résume Charles Li, « chief executive » du Hong Kong Exchanges and Clearing (HKEx), propriétaire du LME.
S’il y a un mot à retenir de la visite de Xi Jinping, c’est peut être « connectivité » …